Le P.E.R.opérationnel Le PER opérationnel C'est de cette faiblesse qu'est née la notion de résultat opérationnel. Comme le souligne Standard&Poors, il n'existe pas de définition normalisée du résultat opérationnel. Celle de Standard&Poors est la suivante : "It is usually defined by As Reported Earnings with certain charges reversed to exclude certain corporate or onetime expenses. The major drawback is the lack of a generally accepted definition." "Défini généralement comme le résultat GAAP dans lequel sont réintégrées certaines charges pour exclure certaines dépenses d'entreprise ou exceptionnelles. L'inconvénient majeur est l'absence de définition normalisée." Du côté français, le résultat opérationnel est défini par le CNC comme l'ensemble des charges et produits ne résultant pas des activités financières, des sociétés mises en équivalence, des activités arrêtées ou en cours de cession et de l'impôt. Le point fort du résultat opérationnel est d'exclure les évènements (charges et produits) non récurrents pour donner une meilleure représentation de l'activité de l'entreprise et donc, normalement, une anticipation plus juste des résultats à venir. En combinant le facteur temps et les deux types de résultats on obtient ces différentes possibilités : Les prévisions de résultats Chaque trimestre des prévisions de résultats sont réalisés par deux groupes de professionnels : les analystes de valeurs : spécialisés sur une ou plusieurs valeurs, Standard&Poors rassemblent toutes les prévisions concernant une valeur donnée, moyenne ces prévisions et l'intègre dans le calcul du résultat du S&P500. Cette approche est appelée bottom-up et est considérée comme peu fiable. Les économistes : ceux-ci donnent des résultats globaux, par secteur ou par indice. L'ensemble de leurs prévisions est moyennée par Standard&Poors pour donner le consensus top-down considéré comme plus fiable que celui des analystes de valeurs. La moyenne mobile sur quatre trimestres de ces prévisions est appelée trailing [net ou operating] earnings ou résultat moyen annuel [opérationnel ou GAAP]. Ces prévisions de résultats, après rapprochement avec le cours du jour de l'indice considéré, donnent les PER opérationnel ou GAAP. Standard&Poors publie chaque semaine ces éléments dans un tableur. J'ai reproduit le tableur en question SANS CHANGER ni libellés ni chiffres mais en l'habillant de couleurs pour que vous puissiez identifier plus facilement les concepts que je viens de présenter. En vert : les résultats et PER opérationnels (operating) En mauve : les résultats et PER GAAP ou as reported ou net En jaune: les prévisions des économistes En bleu: les prévisions des analystes En rouge : la séparation entre les données publiées (incontestables donc) et les prévisions des analystes et économistes. Les deux colonnes barrées correspondent aux prévisions des analystes qui sont unanimement considérées comme trop optimistes et donc peu utilisées. Je les ai barrées uniquement pour les mettre en évidence, et non pour influencer votre libre arbitre ! Utilisation du PER opérationnel L'utilisation à des fins d'anticipation des PER opérationnels est tout à fait justifiable. Néanmoins trois éléments d'importance doivent être pris en compte dans ce cas. Le premier tient à l'historique. Avec un historique remontant aux années 1980 la moyenne des PER opérationnels est fortement influencer à la hausse par la bulle des actions qui a sévi à partir de 1995 et s'est terminé par la super bulle des TMT. Quelques chiffres et un graphique pour s'en convaincre aisément : Alors que le PER opérationnel du S&P500 tutoie, par en dessous, sa moyenne depuis 1988, le PER GAAP lui est encore bien loin d'avoir cassé sa propre moyenne. Et encore cette moyenne est, elle aussi, distordu par la récente bulle des années 90-2000, sa moyenne historique hors bulle se situant encore plus bas à 13,8. On voit toute la difficulté d'apprécier par une simple position relativement à une moyenne la valorisation globale d'un indice. En outre, à l'évidence, utiliser en même temps les PER opérationnels et la moyenne long terme des PER GAAP serait tout aussi malhonnête que d'utiliser le PER opérationnel avec sa propre moyenne. Le deuxième point tient aux prévisions. Reprenez le tableau de Standard&Poors et calculez vous même la progression attendue des bénéfices par les analystes : +8% en 2008 et .......... + 23% en 2009. Comment raisonnablement penser AUJOURD'HUI que les entreprises vont augmenter leurs bénéfices d'une telle progression ? Cette tendance à "l'optimiste" est quasi systématique depuis les années 1990 et tend à s'accentuer. Le graphique ci-joint, tiré d'une étude de Yardeni, montre comment mois après mois les prévisionnistes courent après le vrai chiffre. Enfin il y a un troisième aspect à considérer pour situer la réalité des PER. Le PER est un ratio. Comment ses deux membres sont-ils corrélés ? Certains reprennent ce que l'on appelle le modèle de la FED, c'est à dire que le PER serait plus ou moins corrélé avec le niveau des taux d'intérêt long terme mais ceci n'est rien moins qu'une légende lancée par Greenspan et que quelques économistes ont été chargés ensuite d'habiller maladroitement. Je vous renvoie à la lecture du papier de Yardeni (qui présente cette théorie) ou à l'excellent papier de John Hussman sur le sujet s'il était besoin de vous en convaincre. Sans une "loi" sur un des deux il n'est pas possible d'arriver à une quelconque conclusion sur le niveau de valorisation atteint. Prenez cet exemple : Partant d'un PER de 8, il est tout à fait possible d'arriver à un PER inférieur, ici 6, si le dénominateur c'est à dire les résultats augmentent de 100% alors que le prix n'augmente lui que de 50%. Dans ces conditions comment utiliser le PER pour apprécier la valorisation ? Si chaque membre du ratio évolue comme il veut, le résultat est sans cohérence exploitable. En fait, et par chance, dans ce ratio le dénominateur répond à une loi. En effet, lorsqu'on examine l'évolution des résultats des entreprises du S&P500 depuis 1936 ont obtient graphiquement ceci : Un canal quasi parfait dont la pente annuelle est de 6% dans lequel s'inscrivent les résultats GAAP des entreprises depuis 1936. La position des résultats au sein de ce canal à un moment donné permet ainsi de savoir si ceux-ci sont dans la norme (6% par an) ou hors norme. Des résultats qui joueraient avec le haut du canal nous ramèneraient à l'exemple précédent (les résultats augmentent de 100% alors que le prix n'augmente lui que de 50%) et nous conduiraient à corriger le PER à la hausse d'un facteur correspondant à l'exagération des résultats (aujourd'hui environ 30%). A contrario le jour où les résultats approcheront du bas du canal les PER devront être dévalorisés pour tenir compte de cette situation de résultats exceptionnellement faibles. Les données fournies par Standard&Poors permettent de faire un zoom sur la période récente qui se présente ainsi : En y intégrant les dernières projections top-down de résultats GAAP et opérationnels on constate que ceux-ci restent à un niveau historiquement élevé : J'espère que ces éléments vous seront utiles et vous permettront d'apprécier par vous même et à partir des informations régulièrement fournies par les émetteurs d'indices de la réalité des valorisations qui vous sont présentées. --------------------- Ajout du 19/5/2008 : Extrait de LA COMMUNICATION SUR LES INDICATEURS DE PERFORMANCE NON DÉFINIS EN IFRS PAR LES SOCIÉTÉS DU CAC 40 de Grégory HEEM - Maître de conférences en sciences de gestion Université de Nice Sophia-Antipolis