Création monétaire Part I 1. Les acteurs de la création monétaire Tout d'abord, il convient de distinguer 2 circuits d'acteurs qui interagissent l'un avec l'autre. Le circuit primaire Celui-ci regroupe : Les Banques Centrales, sachant qu'à chaque monnaie doit être assignée au moins une BC. Ainsi, la BCE est à l'Euro ce que la FED est au Dollar US. Les Etats Les banques commerciales Le circuit secondaire Celui-ci regroupe quant à lui : Les ménages Les entreprises non-financières Notons toutefois que les Etats occupent une position que l'on peut qualifier de variable, pouvant figurer aussi bien dans le circuit primaire que dans le circuit secondaire, avec une propension croissante à s'inscrire dans ce dernier. Distinguons à présent les Banques Centrales des banques commerciales. La Banque Centrale conserve les réserves sur les dépôts des banques commerciales. Ces réserves, nous le verrons plus tard, ont vocation à jouer un rôle de garant du bon fonctionnement du système bancaire. Par ailleurs, la BC est chargée de l'émission de monnaie fiduciaire (pièces et billets), ainsi que du contrôle et de la régulation de la masse monétaire, c'est-à-dire la quantité de monnaie en circulation dans l'économie. Fait important, contrairement aux idées reçues, les BC ne sont pas des établissements publics. Ainsi, la FED par exemple, peut être assimilée à une entreprise privée disposant de ses propres actionnaires. Les banques commerciales maintiennent des comptes de réserve auprès de la Banque Centrale. Si cette dernière est responsable de l'émission de monnaie fiduciaire, les banques commerciales peuvent quant à elles créer une autre forme de monnaie, la monnaie scripturale. Cette forme de monnaie résulte d'un simple jeu d'écritures comptables (sous forme de dette), et représente environ 90% de la monnaie en circulation. C'est donc ici que se fait la véritable création monétaire, sous le contrôle de la BC, création qui s'effectue ex-nihilo. Ainsi, il est aisé de comprendre que les banques prêtent de l'argent, et perçoivent un intérêt, sur de la monnaie dont elles ne disposent pas en espèces sonnantes et trébuchantes. La libéralisation et la dérèglementation du système bancaire ont permis d'aller plus loin dans cette création monétaire. En choisissant d'octroyer des prêts ou non, les banques commerciales définissent ainsi l'orientation de la politique monétaire, et donc de l'économie. Bien souvent, les projets financés sont ceux qui s'avèrent rentables d'un point de vue comptable, mais plus critiquables quant à leur impact social, notamment en termes de bien-être pour chacun. A présent, un petit graphique permettant de voir clairement comment le système est fabriqué : Les Etats avaient la possibilité d'emprunter directement auprès de la Banque Centrale jusqu'en 1973 et l'apparition de la Loi Pompidou-Rothschild. Aujourd'hui, ils empruntent sur les marchés, au même titre que des ménages ou des entreprises. C'est ici que prend toute l'importance du rating attribué par les agences de notations, dont on entend beaucoup parler depuis la crise des subprimes. En attribuant une notation, sensée refléter la santé économique de l'acteur concerné, les agences définissent implicitement les conditions auxquelles il peut emprunter sur les marchés. L'intérêt est donc de disposer de la meilleure notation possible afin de pouvoir emprunter à un taux plus faible (le prêteur a alors moins d'incertitude sur la capacité de remboursement de l'emprunteur, et demande une compensation financière moindre). Avant la crise de la dette, les Etats jouissaient d'une forte crédibilité dans leur ensemble, la situation d'un défaut de paiement paraissant comme absurde. Hors, on le voit bien, la situation est complètement bouleversée aujourd'hui. Cela a un autre impact majeur : les titres d'Etat (obligations), lorsqu'ils étaient considérés comme sûrs, servaient à réguler la masse monétaire et servaient de monnaie d'échange sur le marché interbancaire. C'est par exemple le cas du Repo, ou Repurchase Agreement. Le Repo est un outil de financement à court-terme où une banque fournit des liquidités à une autre, en échange d'un remboursement moyennant intérêt. Cependant, dans un Repo, la banque emprunteuse laisse en garantie des titres financiers, que la banque prêteuse pourra alors liquider en cas de non-remboursement. Cette garantie, que l'on appelle collatéral, fait souvent appel à des titres liquides et peu risqués, comme les obligations étatiques. Ainsi, la perte de confiance généralisée pour ces titres peut conduire à une certaine défiance vis-à-vis de son rôle de collatéral. Les Repo diminuent, et se présente alors un risque de credit crunch où les banques ont des difficultés de refinancement à court terme. Pour revenir au schéma, lorsque la BC décide d'injecter de la monnaie dans l'économie, elle le fait via les banques commerciales, en leur fournissant ce que l'on appelle de la monnaie centrale, qui sera ensuite réinjectée vers les Etats, ménages, et entreprises. Tout passe donc par l'intermédiaire des banques commerciales. 2. Création monétaire par le crédit Les banques commerciales placent auprès de la BC (sous forme de comptes de réserve) une fraction des dépôts reçus des épargnants. C'est le système des réserves fractionnaires, qui est fixé par la règlementation bancaire. La monnaie scripturale étant créée ex nihilo, lorsque l'on parle de prêt, c'est en fait un abus de langage. Quand une banque prête 100€ par exemple, elle n'a besoin de n'avoir réellement que 10€ en réserves (en supposant une fraction à mettre en réserve de 1/10). Autrement dit, l'épargne n'est pas la source principale de crédit. La création monétaire se fait par le crédit : il s'agit donc de « nourrir » l'économie en monnaie scripturale. Puisqu'un prêt à une échéance, la monnaie créée a une « durée de vie » temporaire, et l'on assistera alors à une destruction monétaire. Sachant que la monnaie est soumise à intérêt, il faudra rembourser davantage, ce qui implique une plus grande création monétaire et donc davantage de crédit. La BC (qui est sensée jouer un rôle stabilisateur) injecte de la monnaie dans le circuit, en fournissant de la monnaie centrale aux comptes de réserve des banques commerciales. Par exemple, admettons que la BC décide d'injecter 1000€ dans une banque commerciale. La banque commerciale peut alors prêter 900€ dans l'économie réelle (10% laissés en réserves). Ces 900€ vont être redéposés sur le compte d'une autre banque sous forme de dépôts, qui en mettra à son tour 10% en réserve (soit 90€) et qui pourra prêter 810€... On parle d'effet multiplicateur. La BC doit donc pouvoir contrôler la quantité de monnaie en circulation dans l'économie, en contrôlant ses injections initiales. Indirectement, c'est alors la BC qui contrôle l'économie en ayant le pouvoir de réguler les crédits accordés. Ce système présente plusieurs avantages : Financement efficace de l'activité économique (rentable de manière comptable) Décentralisation de l'activité de création monétaire Rationalisation du marché de la dette d'Etat, via la suspension de l'emprunt direct auprès de la BC (dans le cas inverse, la possibilité de création de titres couplée au pouvoir de fonctionnement de la « planche à billets » conduirait à une valeur des titres directement liée à la volonté de l'Etat). A côté de ça, nous trouvons d'autres avantages théoriques qui ne sont cependant pas vraiment validés de manière empirique : Maitrise de l'inflation : la théorie monétariste stipule en effet que l'inflation est un phénomène purement monétaire résultant d'une hausse de la quantité de monnaie en circulation dans le système. Lutte contre les excès des Etats Selon la théorie monétariste, la BC contrôlerait l'inflation via sa politique sur la masse monétaire. Cependant, l'inflation est aussi un problème d'offre et de demande, comme le montre la période des années 70-80 avec les chocs pétroliers. De plus, si dans les années 90 on a pu observer un certain contrôle des prix à la consommation, il existe une inflation moins « visible » de prime abord, se trouvant dans l'immobilier et les actifs financiers. On a ainsi pu voir se former une bulle immobilière entre 1986 et 1991, qui a explosé avant que l'immobilier n'atteigne des points bas en 1993-94. L'Inflation est liée à la confrontation de l'Offre et de la Demande. Elle est aussi directement liée à la formation de bulles spéculatives, ou encore à la politique de marge des teneurs de marchés sur certains produits essentiels. La vitesse de circulation de la monnaie est elle-même facteur d'inflation. Si la monnaie circule rapidement, il y'a mécaniquement davantage de demande et donc de hausse des prix. La régulation de l'inflation par la masse monétaire est donc limitée. Notons également que l'inflation est l'ennemi de l'épargne, en faisant perdre de la valeur à la monnaie. Elle présente cependant l'avantage de réduire le montant des dettes contractées, relativement au reste de l'économie. Ainsi, si les salaires suivent inflation, le pouvoir d'achat peut augmenter du fait de la réduction du poids de la dette dans le patrimoine des ménages. Enfin, mentionnons un problème important du système, le problème de « lag ». Ce problème est rencontré dans le cas où la BC injecte de la monnaie centrale mais où les banques commerciales ne la réinjectent pas directement dans l'économie, rien ne les y obligeant. La relance économique peut alors tarder à arriver et peut rendre difficile le contrôle de la quantité de monnaie en circulation. En effet ne voyant pas l'effet « relance » arriver, la BC peut ainsi être incitée à injecter davantage de monnaie centrale, jusqu'au moment où les banques commerciales décideront de tout placer dans l'économie réelle sous forme de prêts.